8 Mars 2024 : Journée Internationale des droits de toutes les femmes ?

Le 8 Mars 2024 marquera une nouvelle édition de la Journée Internationale des droits des femmes, une date symbolique pour célébrer les avancées réalisées en matière d’égalité entre les femmes et les hommes. Cette journée consacrée aux femmes se veut également être une journée de revendications, des inégalités entre hommes et femmes/filles et garçons continuant de persister à des degrés divers dans différents pays. En effet, si les actions menées par les associations féministes ont permis de réaliser des progrès, il est essentiel de souligner que certaines catégories de femmes sujettes à de nombreux stéréotypes restent oubliées dans cette lutte pour la parité. C’est le cas en l’occurrence des femmes et filles porteuses de handicap. Comment comprendre ce phénomène ? Plus important encore comment remédier efficacement à cette situation ? On en parle dans cet article.

Qui sont les femmes et les filles porteuses de handicap ?

Au Cameroun, il est de coutume de voir des femmes en situation de handicap participer à la parade organisée dans le cadre de la célébration de la journée mondiale dédiée à la femme. On peut penser que ce 8 Mars 2024 n’échappera pas à la règle. Mais qui sont les femmes porteuses de handicap ? Il existe une pluralité de définitions, dont celle de l’Organisation Mondiale de la Santé, celle camerounaise à travers une loi nationale, et celle de l’Organisation des Nations Unies à travers la convention internationale.

Dans la loi du 13 avril 2010 portant protection et promotion des personnes handicapées, la personne handicapée est définie à l’article 2 comme toute personne dans l’incapacité d’assurer par elle-même tout ou partie des nécessités d’une vie individuelle ou sociale normale, du fait d’une déficience physique ou mentale, congénitale ou non. Cette définition qui repose sur une approche médicalisée exclut le modèle social et voir humain du handicap sur lequel se fonde la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes en situation de handicap. Elle dispose à son article premier : « Par personnes handicapées, on entend des personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres ».

Sur la base de ces définitions, sans que la liste ne soit exhaustive, peuvent être considérées comme femmes situation de handicap :

  • Les femmes en fauteuil roulant qui se heurtent très souvent à des obstacles physiques ;
  • Les femmes déficientes visuelles et auditives qui n’ont pas toujours accès à l’information ;
  • Les femmes ayant un handicap intellectuel qui sont sujettes de stigmatisation et de préjugés

Les difficultés auxquelles les femmes et filles en situation de handicap sont confrontées sont en effet nombreuses, une réalité ayant donné lieu à diverses initiatives diligentées aussi bien par des instances internationales comme ONU Femmes que par des organisations nationales luttant pour les droits humains des femmes.

Les initiatives pour promouvoir l’inclusion des femmes et filles en situation de handicap dans la lutte pour l’égalité

Le combat pour les droits des femmes ne se réduit pas à la seule journée du 8 Mars. Nombreuses sont les initiatives qui sont prises pour défendre la cause des femmes, y compris les femmes et filles vivant avec un handicap. À l’échelle internationale et régionale, on décompte une pluralité de textes qui préconisent l’inclusion et l’autonomisation de toutes les femmes et filles. On peut citer notamment :

  • La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Si elle ne mentionne pas de manière explicite les jeunes femmes porteuses de handicap, il ressort toutefois de la Recommandation générale du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes N°18 que les États Parties doivent fournir des informations dans leurs rapports périodiques et assurer la participation des femmes et filles en situation de handicap dans tous les domaines de la vie sociale et culturelle ;
  • La Déclaration et le Programme d’action de Beijing qui identifie des actions spécifiques afin de garantir l’autonomisation des femmes et filles porteuses d’un handicap, en intégrant l’inclusion de ces dernières dans les initiatives ayant pour but d’éliminer les multiples obstacles auxquelles sont confrontées les femmes et filles ;
  • La Résolution de l’ONU sur les droits des femmes et filles en situation de handicap adoptée en 2017 par l’Assemblée Générale des Nations Unies. Cette dernière demande aux États de lutter contre les formes de discrimination multiples et croisées à l’égard de cette catégorie de femmes notamment le droit à l’éducation et au travail, la protection contre les violences envers les femmes, ainsi que la pleine participation des femmes handicapées à la vie sociale, politique, économique et culturelle ;
  • La Résolution 2475 adoptée par le Conseil de sécurité en 2019, un texte novateur sur la protection des personnes porteuses de handicap en situation de conflit. Il souligne l’obligation pour les parties à un conflit de veiller à ce que les personnes en situation de handicap bénéficient d’un accès égal aux services de base.

Outre ces initiatives, nombreuses sont les actions menées à l’échelle nationale par des associations ayant décidé de se battre pour leurs droits et lutter contre l’inégalité. C’est le cas notamment de l’Union Nationale des Femmes Handicapées de Côte d’Ivoire, une ONG créée en 1996 qui travaille sur des problématiques diverses comme l’emploi, légalité salariale, l’éducation et la sexualité. On peut aussi citer les actions menées par des associations plus jeunes qui s’intéressent notamment à la question de la participation des femmes en situation de handicap à la vie politique. Les défis restent toutefois nombreux pour faire avancer la cause des femmes en situation de handicap.

Vers une réelle égalité pour toutes les femmes et filles, y compris celles en situation de handicap

Si le thème de la journée internationale des femmes du 8 Mars 2024 permet de mettre en évidence les avancées notables qui ont été faites dans la lutte pour l’égalité hommes femmes, toutes les femmes ne peuvent cependant pas en tirer parti. Au Cameroun et à travers le monde, les femmes en situation de handicap continuent d’être confrontées à de nombreuses injustices comme vous pouvez le constater en cliquant ici. Elles ne bénéficient pas toujours des victoires remportées par les organisations féministes notamment sur le plan de l’éducation, de la santé ou encore de l’égalité professionnelle.

Les défis auxquels font face les femmes et filles porteuses de handicap à l’instar de la pauvreté, du manque de chances, des violences sexistes, des difficultés de mobilité, d’accès à l’information, ou encore de la place des femmes en politique sont connus de tous. Il s’agit de difficultés auxquelles sont confrontées de nombreuses femmes dans le monde. Comment comprendre donc que malgré la forte mobilisation des associations de défense des droits des femmes et la montée en force du mouvement féministe cette catégorie continue d’être oubliée, lésée, invisible ?

S’il est vrai que le handicap ne fait pas disparaître la qualité de femme, l’on ne saurait nier le fait que les femmes porteuses de handicap qui participeront au Cameroun à la parade du 8 Mars 2024 sont confrontées à une double discrimination. L’une fondée sur le genre, et l’autre fondée sur le handicap. De plus, contrairement aux autres catégories à l’instar des femmes rurales, des femmes déplacées, des femmes victimes de violences conjugales, des femmes autochtones, des femmes victimes de violences sexuelles, des femmes vivant avec le VIH SIDA, des femmes subissant les effets du changement climatique, des femmes vendeuses de sexe ou encore des femmes vivant dans des situations d’exploitation, les femmes porteuses de handicap ne constituent pas un groupe homogène. Ceci s’explique par le fait qu’il n’existe pas un type unique de handicap, mais une pluralité qui fait naître des besoins différents d’un type de handicap à un autre. Dès lors, il peut être difficile d’une part pour les femmes en situation de handicap de s’organiser et de créer un mouvement solide pour défendre les droits fondamentaux des femmes vivant avec un handicap, et d’autres part pour les associations et mouvements féministes d’avoir une approche inclusive qui prend véritablement en compte la spécificité des femmes et filles handicapées. Or, dans toutes les catégories suscitées, on trouve des femmes et filles vivant avec un handicap. Dès lors, comment parvenir à accélérer l’égalité des droitspour toutes les femmes et filles y compris celles porteuses d’un handicap ?

De nombreuses réflexions ont été menées en ce sens notamment par l’Association for Women’s Rights in Development (AWID). On constate également que les discriminations dont sont victimes les femmes et les filles en situation de handicap interpellent de plus en plus de nombreuses associations féministes et bailleurs de fonds agissant pour promouvoir l’égalité. C’est le cas notamment du Fonds XOESE et du Fonds de Développement des Femmes Africaine dirigé par Françoise Moudouthe. Si la domination masculine au sein des organisations de défense des droits des personnes en situation de handicap reste présente, aujourd’hui des jeunes femmes porteuses de handicap ont pu constater leur exclusion et se battent pour faire entendre leur voix afin de pouvoir compter dans la lutte pour l’égalité entre les hommes et les femmes. Cela n’est cependant pas suffisant. À l’ère de l’inclusion et de la solidarité féministe, il est aujourd’hui essentiel de tenir compte du handicap dans les politiques d’égalité de genre et dans le mouvement féministe. Ceci passe notamment par :

  • Renforcer les connaissances et les capacités des organisations féministes, des femmes activistes, des militantes et des femmes leaders dans les luttes pour les droits des femmes en matière d’inclusion du handicap ;
  • Rendre obligatoire la prise en compte des femmes et filles en situation de handicap dans le processus d’octroi des subventions et autres aides financières ;
  • Inclure les femmes et filles handicapées dans toute leur diversité dans les mécanismes et processus de consultation ;
  • Instaurer des partenariats durables avec les organisations dirigées par des femmes porteuses d’un handicap ;
  • Mettre en place des politiques et programmes inclusifs qui prennent en considération la mixité liée au handicap ;
  • Impliquer les femmes en situation de handicap dans les processus décisionnels et les instances politiques afin de leur permettre de s’exprimer et de défendre leurs droits.
  • Encourager les femmes et filles en situation de handicap à oser le féminisme et s’impliquer dans l’égalité hommes femmes

À l’approche de la célébration d’une énième édition du 8 Mars qui marque la journée des droits de la femme, outre les réclamations justifiées qui seront faites de part et d’autre dans le monde, il est essentiel de prendre véritablement conscience de l’invisibilité des femmes et filles porteuses de handicap. Loin d’être une question sociale ou de charité, il est temps d’œuvrer ensemble pour faire entendre la voix des femmes et filles vivant avec un handicap. Il en va de la réalisation de l’ODD 5, l’égalité des sexes ne pouvant être atteinte que si toutes les femmes et filles sont prises en considération, y compris celles qui vivent avec un handicap.

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